Voyage dans le temps : la révolte vigneronne
Comme une sensation de « déjà vu », le contexte actuel des manifestations paysannes et du grand malaise de la profession nous rappelle indéniablement les révoltes des vignerons du Languedoc Roussillon en 1907.
Laissez-vous guider par le récit de Nicolas pour vous éclairer sur le sujet…
Une crise sans précédent
Nous sommes en 1907 et le vignoble du Languedoc se remet des temps difficiles : les crises du Phylloxera du Mildiou et de l’Oïdium. La production de vin dans le Languedoc et même dans le reste du monde est massive, on attend une sur production.
Mais qu’est ce qui a créé la crise ?
- La sur-production : Cette dernière crée un fort déséquilibre entre offre et demande.
- Circulation de vin falsifié : Du vin coupé à l’eau, fait avec du raisin de Corinthe ou même sans raisin avec toutes sortes de fruits entre en circulation.
- Arrivée massive des vins étrangers sur le marché : les vignerons doivent faire face à la concurrence des vins Italiens, Espagnols ou d’Algérie Française à petit prix. Ces derniers sont utilisés notamment pour couper les vins métropolitains de qualité médiocre.
Des conséquences désastreuses
La misère gagne la région, les ouvriers viticoles sont au chômage et les viticulteurs sont dans une situation difficile. Les premières manifestations commencent et prennent vite une grande ampleur à Perpignan (200 000 personnes) , Carcassonne (225 000 personnes) et Nîmes (280 000 personnes). Elles se déroulent plutôt dans le calme.
Mais tout va basculer le 9 juin à Montpellier qui va rassembler environ 600 000 personnes. La place de la Comédie est noire de monde. Les manifestants avaient pausé un ultimatum au gouvernement pour le 10 juin. Face au manque d’action, la tension monte, des élus locaux démissionnent de leur poste en signe de soutien.
Des heurts éclatent avec la police. Face à cela Clemenceau le ‘’Président du Conseil’’ ordonne l’envoi de l’armée pour réprimer la contestation. Des mairies et des préfectures sont prises d’assaut, des soldats chargent et tirent sur la foule, il y a des morts… Le climat est insurrectionnel. Un régiment d’infanterie composé de conscrits de la région se mutinent et rejoignent les manifestants.
De nouvelles mesures mises en place
Face à la situation, le 22 Juin Clemenceau accepte de recevoir Marcellin Albert un des meneurs du mouvement.
– Une loi anti fraude est adoptée : interdiction d’élaborer du vin falsifié et déclaration obligatoire des vignerons des surfaces cultivées, leur stock et leur récolte.
– Une autre loi tendant à « prévenir » le mouillage (ajout d’eau) des vins et l’abus du sucrage par une surtaxe sur le sucre et obligation de déclaration par les commerçants de vente de sucre supérieure à 25kgs voit le jour.
– Accord d’une exonération d’impôt temporaire.
– Un décret définissant ce qu’est à proprement parlé du vin est promulgué.
« Une boisson ne peut s’appeler vin que si elle provient exclusivement de la fermentation alcoolique du raisin frais ou du jus de raisin ».
Une partie des stocks de vins en trop seront distillés. Une autre partie sera consommée par les poilus de la Grande Guerre.
Les impacts sur le monde viticole d’aujourd’hui
Cette révolte va avoir des répercussions sur le long terme. Elle va progressivement faire naître la notion d’Appellation qui structure le vignoble français encore aujourd’hui. A cette époque du vin d’Algérie pouvait être vendu sous le nom de vin de Bordeaux)
En 1905 une première loi délimitant les aires géographiques des vignobles est créée, enrichie en 1908 puis en 1919. C’est en 1927 qu’ils introduisent la notion de cépages dans les Appellations.
Création de l’INAO (Institut NAtional de l’Origine et de la qualité) en 1935 ouvrant la voie à la création des premières AOC (Appellations d’Origine Controlées).
Ces dernières constituent encore aujourd’hui le principal atout de notre beau et si riche vignoble Français.